Créateurs Augmentés : les métiers d’art et l’IA

 

  Entre gestes artisanaux et technologies immersives, le projet « Verre Augmenté » réunit DN MADe Matériaux Créateurs Verriers et DN MADe Numérique design d’interface et design interactif du Lycée Jean Monnet et Maison Tangible autour d’une expérimentation mêlant verre et réalité augmentée.

 

 

    Le 14 octobre dernier, la CMA Auvergne-Rhône-Alpes organisait « Créateurs Augmentés », une rencontre nationale réunissant des artisans d’art, des professionnels du patrimoine, des chercheurs et des passionnés autour d’un thème d’avenir : la rencontre entre

savoir-faire traditionnels et innovations technologiques.

 

La journée a été rythmée par des conférences, des tables rondes et des témoignages d’artisans et d’experts permettant ainsi d’entrevoir comment l’IA peut accompagner et enrichir les métiers d’art tout en préservant leur authenticité.

 

Plusieurs interventions ont nourri cette question et parmi les différents témoignages d’artisans d’art celui de Lauriane Obry.

 

Diplômée de l’ENSCI, Mastère Spécialisé® Création & Technologie Contemporaine et primée à l’Agora du Design pour son projet Tapisserie, elle mène une recherche prospective questionnant les potentiels applications de la tapisserie de lice.

 

Elle explore et développe ainsi, en mobilisant les techniques de tissage comme un langage, une tapisserie augmentée mêlant gestes ancestraux et technologies contemporaines.

 

Ainsi augmentée de ces nouveaux outils, la tapisserie, par ses qualités sensorielles, ses dimensions monumentales et ses capacités à illustrer le réel, devient un objet interactif, invitant au toucher et à vivre une expérience plus immersive.

 

 

    C’est également dans cette perspective que le projet «Verre Augmenté» mené par les étudiants des formations DNMADE Matériaux Créateurs Verriers et DNMADE Numérique design d’interface et design interactif du Lycée Jean Monnet et en partenariat avec Maison Tangible a été initié.

 

Cette initiative a pu se réaliser grâce au soutien de partenaires financeurs tels que les Thermes du Mont-Dore, la Chaîne Thermale du Soleil, la Ville du Mont-Dore, la Route des Villes d’Eaux du Massif Central et l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires.

 

À travers cette expérimentation, les étudiants créateurs verriers ont questionné le verre, ses différentes caractéristiques (verre plat, coloré) pour mesurer « sa réaction » face à la réalité augmentée.

 

Aurélien Jeanney, Fondateur et directeur de Maison Tangible nous raconte cette aventure :

 

 

    Le projet trouve son origine dans les travaux menés par les étudiants du DNMADE Matériaux Créateur verrier autour de la création d’un banc en verre pour la route des villes d’eaux du Massif Central, encadré par Léa Lemoine. C’est elle qui met en relation Aurélien et Margot Peyen, référente du DNMADE Numérique, permettant ainsi d’établir un lien entre le DNMADE Matériaux Créateurs verriers et le DNMADE Numérique design d’interface & design interactif au sein du même établissement.

 

Le projet transversal se construit comme un terrain d’exploration : les étudiants en numérique ont dessiné une illustration didactique, communicant un savoir autour des thermes et des traitements proposés. Ces illustrations ont été prototypées en verre, sous différentes techniques (vitrail, Tiffany, fusing, etc.). Une fois le prototype terminé, les étudiants en numérique, avec l’aide d’Aurélien Jeanney, ont animés puis augmentés en RA. Pour finir, le projet a été exposé au sein des Thermes du Mont Dore.

 

À ce titre, Aurélien souligne que cette forme d’expérimentation libre, centrée sur la manipulation du verre et la découverte des technologies immersives, a permis aux étudiants du numérique de travailler un matériau exigeant et aux créateurs verriers d’explorer de nouvelles façons de créer.

 

Dès le départ, la thématique choisie avait pour objectif de faire résonner les Thermes du Mont-Dore. Les prototypes ont donc été établis sur la base d’éléments architecturaux, de décors et d’activités (soins, bien-être, etc.) des Thermes.

 

Même si la notion de résultat n’était pas recherchée, les créations obtenues se sont révélées particulièrement abouties.

 

Un constat partagé par les curistes et touristes qui ont pu profiter de l’exposition idoine installée durant l’été, valorisant ainsi à la fois le lieu mais aussi le travail des étudiants.

 

Pour Aurélien Jeanney, cette collaboration a été un moment fort. Elle a permis de construire un véritable pont entre le réel et le digital, une articulation qui fait écho à l’identité de Maison Tangible.

 

« Travailler pour la première fois avec une formation spécialisée dans les métiers d’art, m’a offert un autre regard sur l’artisanat, en particulier sur le verre, dont j’ai découvert la temporalité, les contraintes et la précision. Un matériau qui demande un temps long donnant ainsi plus de poids à l’oeuvre créée et qui rend encore plus beau l’objet final. »

 

Il souligne également que le verre se prête particulièrement bien à la réalité augmentée, grâce à sa transparence et ses effets sur la lumière. Ces caractéristiques lui ont ouvert de nouvelles perspectives créatives. Dans cette dynamique, il a notamment sollicité Arnaud Janvier, vitrailliste et ancien étudiant du Lycée Jean Monnet, afin de poursuivre des expérimentations mêlant verre et technologies immersives.

 

 

« Sur le plan technique, le projet s'appuie sur le moteur AR de Vuforia et l'univers de création Unity, un système fonctionnant sur le principe du QR code. Et même si la technologie AR parait un peu désuète face à ses concurrents en 3D, elle est diablement efficace pour des projets ludiques et pédagogiques. Il suffit de voir l'engouement derrière le jeu Pokemon Go pour comprendre les possibilités qu'offrent une expérience immersive AR . »

 

Pour lui, ce type d’approche permet d’imaginer de nouvelles formes de narration autour d’objets tangibles en facilitant la compréhension des métiers d’art auprès d’un public large.

 

Il retient tout particulièrement l’énergie collective du projet :

 

« J’ai rencontré des enseignants au top et des étudiants motivés. La dynamique qui s’est créée était particulièrement fluide. En plus, le projet a permis une collaboration inter-filières et finalement de mettre en relation deux sections (DN MADe créateurs verriers et numériques) et de faire côtoyer des étudiants d’un même établissement qui ne se connaissaient pas encore. »

 

Aurélien exprime le souhait de renouveler ce type de passerelle entre disciplines et souligne que cette aventure l’a nourri personnellement, enrichissant même ses projets futurs.

 

 

 

    Ce projet illustre parfaitement comment les métiers d’art peuvent dialoguer avec les technologies contemporaines sans perdre leur essence. Cette rencontre entre savoir-faire et innovation, laisse entrevoir de belles perspectives pour l’avenir des métiers d’art augmentés.

 

 


Photographies réalisés par Gaëtan Didier (professeur des DN MADe Matériaux Créateurs Verriers)